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« Le Frac Auvergne présente une exposition majeure consacrée à la réalisatrice et photographe Laura Henno, réunissant pour la première fois une partie significative du travail que l’artiste a réalisé ces dernières années au coeur de l’océan Indien. Dès 2013, Laura Henno s’est immergée plusieurs semaines par an au sein de l’archipel des Comores pour rencontrer les communautés vivant en marge de ce territoire morcelé par une géopolitique complexe. Pour rendre compte au plus juste de ces populations invisibilisées, elle inscrit son travail sur un temps long et privilégie une démarche à la fois empirique et éminemment sensible. D’une rencontre à l’autre, d’un territoire à l’autre, Laura Henno construit patiemment son corpus qui se livre à la manière d’une histoire sans paroles. Ce silence est sans doute l’une des plus belles réponses face aux échos bruyants d’un monde qui semble avoir oublié la notion de nuance. Depuis près de quinze ans, cette notion ne quitte pas l’artiste pour mettre en forme, loin de tout discours complaisant ou stigmatisant, un récit de la marge qu’elle prend soin d’écrire avec et depuis ceux qui la vivent. » – Laure Forlay, Commissaire de l’exposition

La série photographique de Ge ouryao ! Pourquoi t’as peur! est consacrée à des bandes de jeunes, la plupart sans papiers, vivant à Mayotte et auprès desquelles Laura Henno se rend à chacun de ses déplacements. Elle suit notamment durant des années une de ces bandes, les Boucheman, qu’elle rencontre pour la première fois sur une plage, entourés de leur meute de chiens. Dans un territoire à 90% musulman qui considère le chien comme impur, elle avait été intriguée, à son arrivée sur l’île, d’entendre chaque soir les aboiements dans la forêt bordant sa maison de M’tsapéré. Le travail d’immersion qu’elle mène auprès des Boucheman puis au fil du temps auprès des nouvelles générations l’amène à s’intéresser plus particulièrement à la relation singulière qui lie ces adolescents à leurs chiens. Ses photographies les montrent, seuls ou en groupe, entourés de leurs chiens au sein des espaces qu’ils occupent, dans les entrelacs des forêts ou aux abords de la plage. Durant ses semaines d’immersion, l’artiste prend conscience que les chiens représentent avant tout un signe de puissance au sein d’un territoire où se jouent de nombreux rapports de force. Les jeunes les entraînent au combat pour défendre leur territoire face aux bandes rivales ou maîtriser les victimes lors des actes de délinquance qu’ils commettent. L’artiste est frappée de constater que les jeunes reproduisent de manière inconsciente les mêmes mécanismes de violence qui se sont exercés par le passé et qu’eux-mêmes subissent encore. S’il est aujourd’hui un élément essentiel au travail de la PAF (police aux frontières), la présence du chien sur l’île réactive la figure des chasseurs d’esclaves qui envoyaient leurs limiers traquer les esclaves fugitifs cachés en forêt. Avec un autre film, Djo réalisé en 2018 à Mayotte, Laura Henno s’attache à traduire l’intensité du lien affectif qui relie Smogi à son chien berger des mangroves qu’il a sauvé et élevé en cachette. Elle aboutit à une oeuvre empreinte d’un univers poétique prégnant. Le film saisit un monde où l’homme vit toujours en symbiose avec l’animal. Une écriture nocturne et métaphorique se confirme et le réel se ré-investit d’un potentiel fantasmagorique. Elle transpose la relation forte, tout en puissance, qui existe entre l’humain et l’animal au sein de ce film et d’un ensemble photographique où la meute de chiens, dressés à protéger et à attaquer, élevés au sein d’une nature sauvage omniprésente, devient le leitmotiv d’une sorte de récit allégorique.