DEMAIN EST UN AUTRE JOUR


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Tandis que la France se remettait plus ou moins facilement de la pandémie de COVID, deux cents photographes, à l’occasion d’une Grande commande pour le photojournalisme, dans le cadre de France Relance et sous l’égide de la Bibliothèque nationale de France, se lançaient dans une aventure sans précédent, avec un seul objectif : rendre compte de la remise en route du pays, qui comme le reste de la planète s’était retrouvé brutalement à l’arrêt des mois durant. Face à la stupéfaction, l’inimaginable, le deuil, le bouleversement de nos habitudes et de nos certitudes, deux cents propositions, deux cents reportages couvrent la France entre 2021 et 2022, telle une « Radioscopie de la France ». Vaste programme, dont il n’est pas aisé d’identifier une cohérence d’ensemble ou d’extraire des séries qui se dégageraient des autres par leur puissance d’évocation. La force de cette commande réside justement dans cette hétérogénéité de regards, dans cette oeuvre collective qui prélève durant deux années des morceaux de France et de la vie des Français, sans omettre un seul territoire [de Métropole et d’Outre-mer] tout en s’efforçant de n’oublier personne [dans la mesure du possible tous les âges et toutes de catégories sociaux-professionnelles] même si avec 200 reportages « seulement », il est impossible d’être exhaustif. Ce temps long offert aux photographes est celui du reportage photojournalistique, qui autorise à s’approprier un sujet, identifier et rencontrer les bonnes personnes [témoins, chercheurs…], choisir sa méthode, réfléchir à une narration puis produire une forme de restitution qui fait sens, informe et questionne. Cette Radioscopie de la France illustre, ô combien, la formidable capacité de la photographie à raconter, témoigner, éclairer, interroger. Chacun des 200 auteurs sélectionnés a pu prendre le temps de prendre son temps [une année chacun] pour construire son essai photographique, loin des impératifs de l’urgence de l’actualité, imaginer la configuration la plus efficace pour transmettre ses prélèvements du réel.

Le musée Nicéphore Niépce a choisi d’accompagner la Grande commande pour le photojournalisme par la présentation des travaux de 14 photographes : Ed Alcock, Jean-Michel André, Aurore Bagarry, Sylvie Bonnot, Julie Bourges, Céline Clanet, William Daniels, Hélène David, Pierre Faure, Marine Lanier, Olivier Monge, Sandra Reinflet, Sarah Ritter, Bertrand Stofleth. Alors que le musée Nicéphore Niépce tend à l’exhaustivité, collectant, étudiant, exposant toute la photographie, sous toutes ses formes, de l’invention du procédé à nos jours, ces quatorze propositions traduisent autant d’approches singulières qui accompagnent le musée dans sa réflexion sur le médium tout en traitant d’enjeux actuels, ceux du monde post-COVID. Pour l’exposition, le musée a choisi d’offrir aux photographes la possibilité d’aller au-delà de leurs premiers choix, de revisiter avec eux les corpus plus larges produits durant leur année de prise de vue. Ces propositions originales offrent une réflexion renouvelée de ces travaux. La pandémie a remis au goût du jour des problématiques encore latentes avant son apparition et les a exacerbées. Le creusement des inégalités et la situation désastreuse de trop nombreux territoires sont explorés par Pierre Faure avec des prises de vue sobres et humbles en argentique tandis qu’Aurore Bagarry recueille les souvenirs de personnes âgées, détentrices d’une mémoire qui s’efface mais dont elle garde trace en regard de leur portrait et des paysages qu’ils habitent. Avec la pandémie, la prépon-
dérance du numérique dans notre quotidien fut patente. Elle a éclaté au grand jour, ainsi que son versant indispensable, les Datas Centers, ces grandes « fermes » à serveurs sécurisées où sont stockées et transitent toutes nos données numériques. Olivier Monge y a eu accès et en révèle à la fois le clinquant et la désincarnation. La désindustrialisation française est effective dans de nombreux domaines et la pandémie nous a placés face à ce constat. Jean-Michel André interroge les territoires où cette désindustrialisation est la plus évidente, alternant paysages lunaires et portraits de descendants d’ouvriers des bassins miniers, quand Sarah Ritter explore les Archives nationales du monde du travail pour évoquer avec poésie ce que fut cette histoire. Lors de la pandémie, la nature a repris ses droits et plusieurs photographes ont interrogé la nécessité de se reconnecter à la nature, notamment Julie Bourges et ses portraits de femmes marin pêcheurs ou Hélène David, par un savant assemblage de prises de vue et d’images d’archives, de recueils de témoignages divers et de propositions scénographiques complexes. De son côté, Céline Clanet s’est aventurée dans des espaces naturels protégés, jalousement conservés à l’abri des promoteurs et des exploitants. Lorsque la photographie rime avec engagement.

 


 

Photographies Exposition collective

Inauguration samedi 29 juin à 11 h
Du 29/06/2024 au 29/09/2024
Musée Nicéphore Niépce
28 quai des messageries
71100 Chalon-sur-Saône
France

Horaires : tous les jours sauf le mardi
Téléphone : 03 85 48 41 98
contact@museeniepce.com
www.museeniepce.com